Publications - Prises de position
Prise de position RSE
20.03.2020
De même que l'économie suisse dans son ensemble, les industries du secteur Chimie, pharma, sciences de la vie ont impérativement besoin de sécurité juridique. L'initiative Entreprises responsables viole des principes fondamentaux du droit. Si elle est acceptée, elle entraînera de grosses complications bureaucratiques même pour les PME et portera largement préjudice à la place économique suisse. Soumettre les entreprises par voie législative à des obligations et des responsabilités en matière de droits de l'homme et de l'environnement dans leurs les activités commerciales hors de Suisse désavantagerait les sociétés multinationales suisses par rapport à leurs concurrentes étrangères. scienceindustries est tout à fait opposée à l'introduction unilatérale d'une responsabilité des entreprises réglementée par la loi. En revanche, nous soutenons les normes bien établies à l’échelle mondiale qui concernent la responsabilité sociale des entreprises (RSE).
Non au cavalier seul de la Suisse
Cette initiative viole les principes essentiels du droit. Dans la situation juridique actuelle, les dirigeants d’entreprises suisses sont déjà tenus de respecter les droits de l'homme et les prescriptions environnementales. Aucun système juridique comparable au nôtre n’impose au conseil d'administration un devoir de diligence plus étendu que l’actuel droit suisse de la société anonyme. Aucun système n’étend le devoir de diligence et la responsabilité des entreprises au-delà de leurs sociétés affiliées, à toute la chaîne d'approvisionnement. Autrement dit, l’initiative présentée par ses auteurs sous le nom trompeur de « Initiative multinationales responsables » n’affecterait pas seulement celles-ci, mais aussi les PME et plus petites entreprises. Les PME ayant des relations avec l'étranger seraient en effet directement touchées. Indirectement, elles risqueraient de l'être encore plus en tant que fournisseurs de grandes entreprises, puisque ces dernières seraient contraintes d'exiger des garanties juridiques de leurs fournisseurs afin de pouvoir y recourir en cas de condamnation. Pour s'assurer que leurs chaînes de valeur répondent aux règles et aux normes en vigueur (vérification de diligence raisonnable), les entreprises internationalement actives ont mis en place aujourd’hui un processus de mise en œuvre et de contrôle des codes de conduite à multiples niveaux. En cas d’acceptation de l’initiative, les processus existants seraient hypertrophiés du fait qu'une entreprise serait directement confrontée à des conséquences en responsabilité si des violations se produisaient chez ses fournisseurs et qu’elle ne pourrait pas prouver qu'elle a respecté ses obligations de diligence raisonnable. L'actuelle approche ciblée correspondant à la mise en œuvre de la diligence raisonnable, qui repose sur des principes internationaux, serait oblitérée par l'initiative suisse.
Les normes d’une gestion durable de la chaîne d’approvisionnement sont bien établies
L'économie a déjà fait beaucoup pour garantir des normes de protection élevées en faveur des personnes et de l'environnement. En matière de gestion durable de la chaîne d'approvisionnement, de nouvelles approches se sont imposées qui remontent aux travaux du représentant spécial des Nations Unies John Ruggie (« Beyond Monitoring »). Les entreprises internationales travaillent toujours plus étroitement avec les fournisseurs des pays en développement et émergents pour améliorer la situation sur le terrain. Ce principe est encore renforcé quand les entreprises fournissent des incitations positives supplémentaires à leurs fournisseurs, par exemple en leur offrant un traitement préférentiel sous la forme d'un statut de fournisseur privilégié pour leur gestion prudente des risques environnementaux et sociaux. L’initiative met en danger cette gestion moderne des parties prenantes.
Surimposer des obligations et des responsabilités légales en matière de droits de l'homme et d'environnement aux activités commerciales d’entreprises multinationales à l'étranger désavantagerait ces entreprises par rapport à leurs concurrentes étrangères et nuirait du même coup à notre pays en tant que site d’implantation. Il faut avoir à l'esprit que de nombreuses entreprises ne seraient pas en mesure de supporter le risque d'actions en justice que l'initiative entraînera et qu’elles décideraient d’émigrer pour cette raison. Voilà notamment pourquoi scienceindustries rejette l'introduction unilatérale d'une responsabilité des entreprises dictée par la loi. Au contraire, nous soutenons les normes bien établies au niveau mondial en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE). Les entreprises membres de scienceindustries respectent les prescriptions légales locales en matière de conditions de travail, de normes de sécurité, de protection de l'environnement, etc. Elles adhèrent aussi à des normes sociales et environnementales reconnues au niveau international (voir la prise de position "La responsabilité sociale des entreprises - RSE"). De plus, elles mettent volontairement en œuvre des stratégies complémentaires de RSE lorsqu'elles le jugent approprié, allant souvent au-delà de ce qu’exigent les réglementations légales locales. Elles s'efforcent autant que possible de faire preuve de prévoyance et de tourner leurs activités vers l'avenir, au sein de l'entreprise elle-même tout comme le long de la chaîne de valeur, sur le site d’exploitation et sur le marché.
Le monde politique n’est pas unanime
Pour toutes ces raisons, le Parlement et le Conseil fédéral rejettent eux aussi l’initiative. De longues discussions ont tout de même eu lieu dans les deux Chambres sur les moyens de satisfaire à certaines de ses requêtes. Tandis que le Conseil national a rédigé un contre-projet qui fait la part belle aux attentes des auteurs de l’initiative, le Conseil des Etats n’entend pas aller aussi loin. Les milieux économiques rejettent le contre-projet du Conseil national parce qu'il équivaut quasiment à l’initiative. Ils ont joué un rôle constructif dans le processus politique en proposant eux-mêmes des solutions. Or, il est frappant de constater que les initiants se sont opposés à toutes les tentatives de l'économie pour réduire le risque de poursuites injustifiées contre des entreprises en Suisse, refusant par exemple de confirmer la diligence suffisante par des tiers ou d'introduire une clause de subsidiarité.
En été 2019, enfin, le Conseil fédéral a lancé dans le débat sa propre proposition qui, contrairement à celle du Conseil national, est compatible sur le plan international. Reposant sur la mise en œuvre de l'obligation de l'UE de présenter des rapports de durabilité comme sur l'introduction d'obligations spécifiques de diligence raisonnable à l’égard du travail des enfants et des minéraux de guerre, cette proposition du Gouvernement offre la base d’une réglementation ciblée adéquate. Les entreprises suisses seraient désormais tenues d'examiner l'ensemble du processus de valorisation de leurs produits - de l'acquisition des matières premières à la production et à la consommation - afin de repérer les risques potentiels liés au travail des enfants et au financement des minéraux de guerre et de prévoir des contre-mesures. Cette proposition permettrait à la Suisse de rattraper directement le niveau des pays actuellement les plus réglementés en matière de responsabilité des entreprises. Alors que le Conseil des Etats s'est prononcé en faveur de cette solution, le Conseil national se cramponne au contraire à son contre-projet. Reste à espérer que la procédure d’élimination des divergences empêchera la Suisse de faire cavalier seul sur ce dossier si important pour elle en tant que site d’implantation.
Conclusion
Pour scienceindustries, chercher à assurer le respect des droits de l'homme et de l'environnement en imposant aux entreprises une responsabilité globale contraignante est une erreur. Cet objectif est bien mieux servi grâce au respect de normes bien établies, comme l’initiative Pacte mondial des Nations unies ou les recommandations de l'OCDE à l’intention des multinationales. Bien que fondées sur une approche volontaire, ces deux initiatives sont déjà bien avancées dans la pratique et appliquées au niveau international. Selon le contre-projet du Conseil des États, les entreprises devraient rendre compte régulièrement de leurs efforts à l’égard du Pacte mondial et des recommandations de l’OCDE et se conformer à des devoirs de diligence spécifiques touchant le travail des enfants et les minéraux de guerre, qui sont parmi les plus stricts au monde. Vigoureusement opposée tant à l’initiative qu’au contre-projet du Conseil national, scienceindustries reconnaît au contraire dans le contre-projet du Conseil des États une solution internationalement coordonnée et compatible pour traiter cette question de responsabilité.