Christian Hofer, directeur de l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG)

Il y a un peu plus d’un an, stupéfaits, nous découvrions devant nos écrans que l’Ukraine, le « grenier à blé » de l’Europe, était attaquée. En conséquence, les marchés s’affolaient et la situation nous rappelait à quel point nous sommes dépendants les uns des autres. Depuis, les expressions « taux d’autosuffisance » et « sécurité alimentaire » sont très présentes dans le débat public. Mais vouloir assurer la sécurité alimentaire en renforçant le taux d’autosuffisance, est-ce pertinent ? Et comment ne pas porter atteinte au développement d’un système alimentaire durable ?

Pour l’OFAG, un système alimentaire peut être considéré comme durable lorsque la sécurité alimentaire est garantie pour tous les êtres humains, sans compromettre les fondements économiques, sociaux et écologiques indispensables aux générations actuelles et futures. Ce système comprend toutes les activités de l’ensemble de la filière alimentaire ainsi que leur impact sur l’environnement, l’économie et la société. Concrètement, cela signifie que nous sommes, toutes et tous, acteurs de ce système. A chaque étape de la chaîne de valeur, nous avons un impact.

Viser une sécurité alimentaire durable
En juin 2022, le Conseil fédéral a adopté le rapport sur l’orientation future de la politique agricole. Dans ce document, il fixe l’objectif suivant : atteindre la sécurité alimentaire grâce au développement durable, de la production à la consommation.

Pour cela, le Conseil fédéral propose de suivre quatre lignes stratégiques.

• En premier lieu, il s’agit de garantir un approvisionnement alimentaire résilient. Les bases de production telles que le sol et l’eau doivent être préservées.
• Deuxièmement, il souhaite encourager une production de denrées alimentaires respectueuse de l’environnement et des animaux. Avec une empreinte écologique plus faible, il est possible de ne pas dépasser la capacité d’absorption des écosystèmes.
• Le renforcement de la création de valeur est la troisième piste proposée. Les secteurs agricole et agroalimentaire doivent devenir encore plus compétitifs. S’inspirer des nouvelles tendances alimentaires est une des voies à explorer.
• Enfin, la quatrième ligne stratégique vise à favoriser une consommation durable et saine. Construire des ponts entre le monde agricole et les consommateurs est important. Les consommateurs doivent être mieux informés sur les méthodes de fabrication des produits, leur impact sur le climat et le bien-être des animaux. En outre, tous les acteurs de la chaîne alimentaire doivent participer à l’effort de réduction du gaspillage.

Des changements profonds sont nécessaires
La transformation des systèmes alimentaires prendra du temps car les changements nécessaires sont profonds. Pour accompagner ces derniers, l’innovation, la numérisation, la science et la technologie joueront un rôle central. Dans ce contexte, scienceindustries, en favorisant un environnement propice à l’innovation pour ses entreprises, peut apporter sa pierre à l’édifice.

Assurer la sécurité alimentaire tout en respectant la capacité de charge des écosystèmes constitue un défi majeur. Pour y répondre, les sols agricoles doivent être préservés en quantité et en qualité, le progrès technique mis en œuvre et les variétés et races résistantes développées. De plus, la préservation du savoir-faire, une meilleure gestion de l'eau ainsi que l'adaptation des modèles de consommation et de production représentent des enjeux importants. Lors du développement des conditions-cadres, l'accent ne doit pas être mis uniquement sur le degré d'auto-approvisionnement, mais sur tous les aspects de la sécurité alimentaire. Par ailleurs, il est essentiel que tous les efforts convergent vers un système alimentaire durable, aussi bien au niveau national qu’international. C’est aujourd’hui et ensemble que nous agissons pour demain.

Photo Copyright: KEYSTONE/Christian Beutler