Une association complète à Horizon Europe est indispensable

Depuis 1987, les chercheurs suisses participent aux programmes-cadres de recherche et d'innovation de l'UE. Depuis 2004, notre pays était pleinement associé et donc partenaire de recherche à part entière. Depuis 2021, nous sommes à nouveau considérés comme un Etat tiers, ce qui est une sanction directe de la rupture unilatérale des négociations sur l'accord-cadre institutionnel, avec des conséquences négatives déjà perceptibles aujourd'hui.

Le programme de recherche "Horizon Europe" est le plus grand programme de promotion de la recherche et de l'innovation au monde. Les chercheurs et les entreprises suisses n'ont actuellement qu'un accès limité à Horizon Europe. Comme le montre une étude récemment publiée par l'Université de Bâle, Horizon Europe ne peut pas être entièrement reproduit par les seuls partenariats bilatéraux.

Les industries de la chimie, de la pharmacie et des sciences de la vie dépendent tout particulièrement de l'excellence dans la recherche, de la coopération entre la recherche académique et industrielle ainsi que de la promotion des start-ups. L'absence d'une association complète à Horizon Europe coûte à notre pays sa force d'innovation et réduit ainsi le potentiel d'innovations futures en matière de produits et de croissance économique.

Les entreprises suisses ont profité jusqu'à présent
Près de 1000 entreprises suisses ont bénéficié de subventions directes de l'UE au cours de l'année de programme 2020 - juste derrière l'Autriche, mais plus que la Suède ou la Finlande. Dans le cadre d'Horizon 2020, un franc sur cinq issu des contributions de l'UE a été versé à l'industrie et aux PME. Dans 35% des participations suisses, il s'agissait d'entreprises, dont près de la moitié étaient des PME.

Les entreprises des secteurs des sciences de la vie et de la pharmacie représentent les principaux acteurs stables de la recherche de l'UE. Pour plusieurs entreprises membres de scienceindustries, les points du programme "Horizon Europe" sont une source très pertinente dans l'élaboration de nouvelles technologies, dans le développement de nouveaux produits et de nouvelles applications pour des produits existants. En outre, ils sont importants pour l'accès aux réseaux scientifiques.

Conséquences négatives de l'absence de pleine association à Horizon Europe
Comme l'a récemment expliqué une publication de l'EPFL, les conséquences directes de la non-association de la Suisse aux programmes européens sont déjà visibles aujourd'hui. Ainsi, le nombre de collaborations diminue, l'accès aux marchés européens pour les technologies suisses se restreint et les premières start-up délocalisent une partie de leurs activités à l'étranger. Il est à craindre que ces effets négatifs se poursuivent.

La participation d'Etats tiers à Horizon, comme c'est actuellement le cas pour la Suisse, est liée à des restrictions. Seuls les projets de coopération sont accessibles aux pays tiers. Les projets individuels n'en font pas partie et aucune direction de projet n'est prévue. Par conséquent, il est plus difficile pour la Suisse d'attirer des chercheurs de haut niveau - certains partent même.

Les subventions très compétitives du Conseil européen de la recherche (ERC), qui s'adressent à des chercheurs d'exception, sont particulièrement visées. Jusqu'à présent, les chercheurs suisses faisaient partie du peloton de tête des ERC Grants attribués chaque année. Lors de la mise au concours 2021, le Conseil européen de la recherche a attribué onze distinctions à des chercheurs de l'ETH, pour une valeur d'environ 17 millions de francs suisses. Mais les chercheurs n'ont pas pu recevoir l'Award en raison de la non-association de la Suisse.

La compensation financière n'est pas un substitut
La Suisse ne peut plus participer à de nombreux projets Horizon Europe prévus. Pour certains d'entre eux, auxquels la Suisse peut participer, le financement doit être assuré par le SBFI. La Confédération, respectivement le Secrétariat d'Etat à la formation, à la recherche et à l'innovation (SEFRI), prévoient des moyens financiers correspondants suite à la suppression de l'association complète - ce qui est judicieux.

Les mesures transitoires de la Confédération via Innosuisse, le SBFI, le FNS et l'ESA permettent la participation à des projets collaboratifs dans le cadre d'Horizon Europe (temporairement jusqu'à l'association complète). La contribution prévue pour Horizon Europe est versée directement aux chercheurs suisses par le SBFI via des mesures transitoires. Il n'y a pas de perte de moyens, car les contributions à partir de 2021 n'ont pas été versées à l'UE.

Pour les chercheurs suisses, les possibilités de participation sont toutefois limitées et compliquées. La disparition d'Horizon Europe ne peut pas non plus être entièrement compensée par des mesures nationales transitoires et complémentaires. Le préjudice de réputation causé par la suppression des ERC Grants est à lui seul massif.

D'autres accords de recherche ne sont pas un substitut
A court terme, l'effondrement des participations a été réduit par les mesures prises, malgré une baisse de 10 à 15% pour les projets en collaboration. Les hautes écoles et les centres de recherche suisses se nourrissent encore d'anciens projets Horizon, mais dans les nouveaux projets (p. ex. dans le domaine du Quantum Computing), ils ne peuvent tout au plus que participer indirectement ou en arrière-plan. Il s'agit pourtant de projets stratégiques d'importance centrale et de perspectives à long terme.

D'autres coopérations internationales sont à saluer, mais aucune d'entre elles ne remplace Horizon Europe - en revanche, elles doivent être considérées comme un complément et une diversification importants. L'échange et la coopération au sein des réseaux européens entre l'économie et la science pour la recherche et le développement - aussi bien pour les MNU que pour les PME et les start-ups - sont et restent essentiels à la survie.

Une délocalisation à l'étranger des centres de recherche ayant accès aux meilleurs réseaux nuit en fin de compte à l'attractivité de la place économique suisse. A long terme, cela entraînerait également la délocalisation d'emplois attractifs ainsi que de recettes fiscales à l'étranger. La création de nouvelles entreprises hautement innovantes ou de start-ups se ferait également de plus en plus en dehors de la Suisse.

Jouer à nouveau dans la "Ligue des champions".
Conclusion : la Suisse ne profite pas seulement du marché intérieur de l'UE, mais aussi et surtout des programmes de recherche de l'UE. Pour la Suisse, il n'y a pas d'alternative au marché intérieur de l'UE, mais l'UE profite également des pays participant au marché. Enfin, en tant qu'industries basées sur le savoir, les entreprises de la chimie, de la pharmacie et des sciences de la vie dépendent fortement d'une association complète aux programmes de recherche de l'UE.

A l'avenir, le site suisse ne pourra se maintenir à la pointe mondiale que si nous parvenons à conserver notre attractivité, notre force d'innovation et notre réputation de pôle de recherche. La clé en a toujours été l'accès aux programmes de recherche européens. Il est important que nous puissions à nouveau participer au plus haut niveau en tant que membre à part entière de la communauté scientifique européenne. Mais ils doivent avant tout pouvoir profiter des réseaux et, pour cela, jouer à nouveau un rôle de leader dans les projets de recherche européens. La science suisse doit pouvoir jouer dans la "Ligue des champions de la recherche".