Dossiers - Compétitivité
Article invité de Stephan Mumenthaler dans le Bilan sur les brevets
Suspendre les droits de propriété intellectuelle des vaccins Covid-19 est un signal dangereux. L’Organisation mondiale du commerce fragilise ainsi l’innovation future. Avec ses quelque 8,5 millions d’habitants, la Suisse est certes un petit pays, mais c’est aussi un véritable géant de l’inventivité.
09.08.2022
Sans brevets, l’innovation est en danger
L’Office européen des brevets annonce en effet que les entreprises établies en Suisse ont déposé l’an dernier 969 demandes de brevet par million d’habitants, soit plus que n’importe quel autre pays d’Europe. Sans le système des brevets, la Suisse ne serait pas championne de l’innovation. Pourquoi cela?
Ressort de la recherche
Tout d’abord, le brevet protège l’inventeur de l’utilisation commerciale de son invention par un tiers. Seule cette protection permet aux entreprises innovantes d’accepter les coûts d’investissement très élevés qu’exigent la recherche et le développement.
En divulguant leurs inventions, les chercheurs aident la société à progresser – en contrepartie, ils obtiennent une protection de brevet limitée à 20 ans au maximum. Ajoutons que les brevets facilitent l’échange de technologies et la coopération en matière de recherche, dans la mesure où il est relativement facile d’acquérir et de céder des licences.
Vaccination en panne
Dans les pays en développement et les pays émergents, la couverture vaccinale contre le Covid est encore faible. La suspension des droits de brevet, telle que décidée récemment par le Conseil des ministres de l’Organisation mondiale du commerce avec la dérogation ADPIC, n’augmentera pas le taux de vaccination dans ces pays. En revanche, elle remet en cause la capacité de développer de nouveaux vaccins et médicaments pour affronter les défis à venir.
Souvenons-nous qu’en un temps record, plus de 380 partenariats volontaires ont été créés pour les vaccins Covid-19 et 150 pour les médicaments Covid-19, dont respectivement plus de 88 et 79 pour cent impliquent un transfert de technologie. Par le biais de Covax Facility, 1,2 milliard de doses de vaccin ont également été livrées à des pays dont le revenu moyen des ménages est faible ou moyen. Ce n’est pas la production qui est le goulot d’étranglement expliquant le faible taux de vaccination; le problème se situe dans la logistique, le manque de personnel et la faiblesse des systèmes de santé.
Coopération déterminante
Au total, quelque 780 millions de doses livrées restent, à cause d’une infrastructure limitée, actuellement en stock dans les pays bénéficiaires. Pour satisfaire la demande, indiscutable, d’un accès rapide aux vaccins et remèdes, a fortiori en période de pandémie mondiale, les transferts de technologie sont encore la voie la plus rapide. C’est précisément par de telles coopérations volontaires que plusieurs entreprises avaient relevé ce défi.